Si j'avais été candidat...Edgar Morin, Le Monde (24/04/07)
Le système planétaire est condamné à la mort ou à la transformation. Notre époque de changement est devenue un changement d'époque.
Chères concitoyennes et chers concitoyens, je dois d'abord rappeler que
Je ne vous promets pas le salut, mais j'indiquerai la longue et difficile voie vers une Terre Patrie et une Société Monde, ce qui signifie d'abord la réforme de l'ONU pour dépasser les souverainetés absolues des Etats-nations tout en reconnaissant pleinement leur autorité pour les problèmes qui ne sont pas de vie/mort pour la planète.Je ferai tout mon possible pour donner à l'Europe consistance et volonté en y instituant une autonomie politique et militaire. Je lui présenterai un grand dessein: réformer sa propre civilisation en y intégrant l'apport moral et spirituel d'autres civilisations ; contribuer à un nouveau type de développement dans les nations africaines ; instituer une régulation des prix pour les produits fabriqués à coût minime dans l'exploitation des travailleurs asiatiques ; élaborer une politique commune d'insertion des immigrés ; enfin et surtout en faire un foyer exemplaire de paix, compréhension et tolérance ; dans ce sens, intervenir au Darfour, en Tchétchénie, au Moyen-Orient et prévenir la guerre de civilisations.En ce qui concerne
1) un comité permanent de lutte contre les inégalités, qui s'attaquera en premier lieu aux excès (de bénéfices et rémunérations au sommet) et aux insuffisances (de niveau et qualité de vie à la base);
2) un comité permanent chargé de renverser le déséquilibre accru depuis 1990 dans la relation capital-travail.
Etant donné l'intégration vitale d'une politique écologique, je constituerai un troisième comité permanent qui traitera des transformations sociales et humaines qui s'imposent.J'indiquerai la voie d'une politique de civilisation qui ressusciterait les solidarités, ferait reculer l'égoïsme, et plus profondément reformerait la société et nos vies. De fait, notre civilisation est en crise. Là où il est arrivé, le bien-être matériel n'a pas nécessairement apporté le bien-être mental, ce dont témoignent les consommations effrénées de drogues, anxiolytiques, antidépresseurs, somnifères. Le développement économique n'a pas apporté le développement moral. L'application du calcul, de la chronométrie, de l'hyperspécialisation, de la compartimentation au travail, aux entreprises, aux administrations et finalement à nos vies a entraîné trop souvent la dégradation des solidarités, la bureaucratisation généralisée, la perte d'initiative, la peur de la responsabilité.Aussi je réformerai les administrations publiques et inciterai à la réforme des administrations privées. La réforme vise à débureaucratiser, déscléroser, décompartimenter, et donner initiative et souplesse aux fonctionnaires ou employés, à offrir bienveillance pour tous ceux qui doivent affronter les bureaux. La réforme de l'Etat se ferait non par augmentation ou suppression d'emplois, mais par modification de la logique qui considère les humains comme objets soumis à quantification et non comme êtres dotés d'autonomie, d'intelligence et d'affectivité.Je proposerai de revitaliser la fraternité, sous-développée dans la trilogie républicaine Liberté-Egalité-Fraternité. Tout d'abord, je susciterai la création de Maisons de
En matière d'économie, j'agirai pour une économie plurielle, qui est en gestation sur la planète de façon dispersée, et dont les développements permettraient de surmonter la dictature du marché mondial. En France l'économie plurielle, qui comportera les grandes firmes mondialisées, développera les petites et moyennes entreprises, les coopératives et mutuelles de production et/ou consommation, les métiers de solidarité, le commerce équitable, l'éthique économique, le microcrédit, l'épargne solidaire qui finance des projets de proximité, créateurs d'emplois. Le développement d'une alimentation de proximité qui ne dépend plus des grands circuits intercontinentaux nous fournira des produits de qualité fermière et de plus nous préparera à affronter les éventuelles crises planétaires.En ce qui concerne l'éducation, la mission première a été formulée par Jean- Jacques Rousseau dans l'Emile: "Je veux lui apprendre à vivre." Il s'agit de fournir les moyens d'affronter les problèmes fondamentaux et globaux qui sont ceux de chaque individu, de chaque société et de toute l'humanité.Ces problèmes sont désintégrés dans et par les disciplines compartimentées. Ainsi, pour commencer, j'instituerai une année propédeutique pour toutes les universités sur : les risques d'erreur et d'illusion dans la connaissance; les conditions d'une connaissance pertinente ; l'identité humaine ; l'ère planétaire que nous vivons ; l'affrontement des incertitudes, la compréhension d'autrui et enfin les problèmes de civilisation contemporaine.L'élan pour la grande réforme surgira des profondeurs de notre pays quand il percevra qu'elle prend en charge ses besoins et ses aspirations. Car, sclérosé dans toutes ses structures, le pays est vivant à la base. Le changement individuel et le changement social seront inséparables, chacun seul étant insuffisant. La réforme de la politique, la réforme de la pensée, la réforme de la société, la réforme de la vie se conjugueront pour conduire à une métamorphose de société. Les futurs radieux sont morts, mais nous ouvrirons une voie pour un futur possible.Cette voie, nous pouvons nous y avancer en France, espérer la faire adopter en Europe. Et, faisant de nouveau de
Edgar Morin, sociologue, est directeur de recherche émérite au CNRS, président de l'Agence européenne pour la culture (Unesco).
segunda-feira, 28 de julho de 2008
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